ART ABORIGENE

Comment imaginer que l’immensité des espaces arides et silencieux du désert australien, puisse engendrer de telles peintures aussi complexes, aux teintes aussi si vives et si variées ?   Pour certains, la culture aborigène d’Australie peut sembler simpliste ou naïve au premier regard, mais, en réalité, elle est habitée, spirituelle, codifiée, complexe. Elle cache volontairement ses sens initiatiques sacrés pour les non autochtones que nous sommes. L’art aborigène contemporain trouve donc, ses origines, dans la plus ancienne culture continue du monde, elle associe mythes et vibrations des couleurs.

Certaines peintures rupestres aborigènes remontent à plus de 50 000 ans avant notre ère et seraient donc plus vieilles que certaines représentations trouvées en Europe, comme Lascaux par exemple. Il s’agit donc de l’art le plus ancien connu à ce jour.

Parc National de Kaladu

Pour maintenir le lien avec son Ancêtre, son Rêve, l’initié doit régulièrement réaliser des cérémonies où la production d’objets est nécessaire.  Ces représentations abstraites racontent des histoires, des mythes, et expriment des messages de leurs ancêtres. Les peintres réinterprètent des motifs très anciens, tracés depuis toujours sur les rochers, dans le sable, sur les objets usuels et rituels, pour décorer les torses et les épaules des danseurs lors des cérémonies. La peinture est un rituel convoqué pour témoigner du sens de l’univers. Les artistes ne reproduisent pas le visible, mais rendent visible l’invisible.

L’art est un élément clé dans la culture aborigène. N’ayant pas l’écriture, les peintures sont toujours liées à un territoire (itinéraire, site, grotte, point d’eau…). Les Aborigènes célèbrent, chantent, dansent, miment et peignent (ce que nous appelons « art » mais qui pour eux est d’abord spiritualité) pour invoquer l’esprit ancestral créateur du lieu (au sens topographique), préserver, et réactiver cette énergie créatrice. En ce sens, célébrer, peindre ou chanter un territoire marque la propriété (au sens de responsabilité) d’un clan ou d’une personne.

Dot painting = Pointillisme

L’art aborigène est d’autant plus complexe à comprendre qu’une multitude de sens volontairement cachés rendent sa compréhension parfois compliquée. C’est le plus souvent une lecture symbolique qui nous est proposée, la transposition des voyages des Ancêtres au Temps du Rêve, une cartographie particulière mêlant sites géographiques et actions des Esprits. De même lorsqu’on reconnait un motif figuratif, le sens ne s’arrête pas à la représentation d’un animal. Ainsi le tracé, l’échelle, les proportions d’un objet, d’un animal ou d’un lieu doivent être le reflet de l’importance de son impact sur le sujet et ne rendent pas compte de la réalité.

La peinture aborigène est un art qui n’existe nulle part ailleurs. La peinture du désert ne correspond en rien aux codes et aux canons de l’art étiqueté comme « primitif » ou « premier ». La peinture aborigène n’est pas un art tribal ou ethnographique. Leurs auteurs sont des artistes, et des créateurs contemporains.

Cet art aborigène présente une caractéristique unique dans l’histoire de l’art : il y a autant de peintres hommes que de peintres femmes. Les hommes et les femmes racontent des histoires similaires et utilisent les mêmes techniques, pourtant nous ressentons leurs peintures de façon différente.

Serpent Arc en Ciel, ou Temps du Rêve symbole de l’origine de la création pour les peuples aborigènes. Rainbow serpent Australian Aboriginal dreamtime creation of Australia, its mountains rivers, trees and people, Aboriginal religion and culture, concept illustration

Pourquoi ces constellations de points, « DOT PAINTING » ou pointillisme, ces explosions de couleurs, ces symboles venus d’un autre continent, d’un autre temps nous parlent ils ? Pourquoi ces chasseurs cueilleurs du désert, nous procurent ils de telles émotions ? Ils ont la liberté et la créativité des artistes. Les peintures sont enrichies et vivifiées par des pictogrammes ou éléments graphiques codifiés, ces conventions forment un langage pictural universel. Chaque élément a une double signification publique et ésotérique.

Cette peinture sensuelle et hypnotique nous invite à partir vers d’autres dimensions, elle parle à notre inconscient.  Elle nous fait rêver. Sans que nous comprenions pleinement leur signification, sans que nous en maîtrisions les codes, nous percevons, sous les traits, points et motifs, un sens caché, spirituel, un message. La plupart des motifs sont tracés au moyen de lignes de pointillés (dots) sur un fond plus sombre, lui aussi constitué de pointillés, qui laissent voir par transparence, un aplat opaque, qui donne une double fonction : esthétique et rituelle.